Projet REVA COPPA

Projet REVA COPPA

Projet  REVA COPPA

 

I. Description du projet

 

1. Objectifs et finalités du projet

 

L’objectif majeur de ce projet de recherche est d’optimiser la récupération de composés phénoliques issus de la fabrication mécanique de pâte à papier à l’aide de procédés membranaires de façon à permettre leur transformation en molécules à haute valeur ajoutée soit par voie fongique ou chimique. La bioconversion fongique de l’acide vanillique et férulique en vanilline sera privilégiée au cours de ce projet. La vanilline est utilisée dans de nombreuses applications, notamment les formulations pour la cosmétique, les détergents et comme intermédiaire pour l’agrochimie. La demande industrielle est de l’ordre de 15000 tonne/an.

 

2. Situation du sujet

 

            2.1 Contexte et enjeux économiques

Ce projet s’inscrit dans une démarche d’accompagnement à la mutation des industries papetières et de développement d’une nouvelle valorisation des ressources forestières. La baisse de la consommation de papier et de carton en France et en Europe qui est liée à la conjoncture économique et à la concurrence des médias numériques, a forcé la plupart des entreprises de ce secteur à réduire drastiquement leur production. En France, cette baisse est de l’ordre de 8,3 millions de tonnes, soit une baisse de près de 11,4% par rapport à 2008. Dans ce contexte, le développement d'activités complémentaires telles que la production de produits à haute valeur ajoutée extraits du bois pourrait être intéressant afin de rendre les usines de papier durable. La rentabilité d'exploitation des entreprises françaises de papier a diminué en 2009 (- 1% de 2008 à 2009). La situation ne s'est pas améliorée depuis 2009 et s'est encore dégradée en 2012, la production de papier et de carton a été réduit en France de 5,7%.

Un des principaux modes de fabrication de la pâte à papier est le procédé thermomécanique (TMP). Les premières étapes de fabrication de la pâte à papier selon ce procédé peuvent être assimilées à un procédé d’extraction solide-liquide et donnent lieu à des effluents à fort débit (de 700 à 3000 m3.j-1). Ces effluents constituent une source de composés phénoliques tels que l’acide 4-hydroxy-3-methoxy benzoïque (acide vanillique) et l’acide 4-hydroxy-3-methoxy cinnamique (acide férulique) qui sont les principaux précurseurs de la vanilline par bioconversion fongique.

Il apparaît donc que ces effluents considérés comme des eaux résiduaires (après usage) pourraient être  considérés comme une ressource en molécules à haute valeur ajoutée. Ces marchés de produits à haute valeur ajoutée permettrait d’envisager des revenus complémentaires pour l’ensemble de la chaîne impliquée dans la production et la commercialisation de produits chimiques biosourcés.

 

            2.2 Enjeux environnementaux

La vanilline synthétique est issue initialement du benzène et transformée en différentes étapes. Ces étapes impliquent notamment des séparations par distillation qui est une opération fortement consommatrice en énergie. Le schéma proposé dans ce projet de recherche vise à mettre en application des procédés peu énergivores : une première étape de fractionnement et d’enrichissement par des procédés membranaires suivie par une bioconversion consommant peu d'énergie. Les procédés membranaires et la bioconversion fongique sont couramment désignés comme des technologies propres.

Aucune opération supplémentaire ne sera ajoutée au procédé thermomécanique pour libérer les extractibles du bois et tout particulièrement les composés aromatiques hydroxylés, n’entraînant aucune consommation supplémentaire d’énergie ou d’eau.

Enfin, l’eau récupérée après le processus d’enrichissement par membrane pourra être recyclée en interne. Ce mode de fonctionnement s’inscrit totalement dans la protection des ressources en eau.

 

            2.3 Contexte scientifique et industriel

Le défi majeur de la valorisation de ces molécules d’intérêt est l’optimisation de leur récupération en termes de sélectivité et de concentration. Les techniques membranaires ont montré qu’elles constituent des solutions parfaitement adaptées pour les opérations de séparation, de fractionnement et de récupération d’une large gamme de biomolécules extraites de ressources naturelles. Dans le domaine de la séparation des composés phénoliques du bois dans l’industrie papetière, Zabkova et al. [Journal of Membrane Science, 301 (2007) 221–237] ont utilisé la filtration tangentielle pour récupérer la vanilline après oxydation de la lignine. Ils ont évalué plusieurs membranes céramiques d’ultrafiltration (1, 5 et 15 kDa) et la membrane de 1 kDa possédait le meilleur taux de rétention de la lignine (97,2 %) tandis que la vanilline n’a pas été retenue par les membranes testées. Persson et al. [Bioresource Technology, 101, 11 (2010) 3884-3892] ont fractionné l’ensemble des substances présentes dans un effluent issus d’un procédé thermomécanique par une série de procédés membranaires : les matières en suspension et les résines (fraction lipophile) ont été retenues par microfiltration (céramique, diamètre des pores ~ 0,2 µm), l’hémicellulose par une membrane d’ultrafiltration (polyethersulfone, seuil de coupure = 5 kDa) et enfin la lignine et les molécules phénoliques ont été analysées dans le rétentat de la nanofiltration. Le choix du seuil de coupure (SC) de la membrane doit être adapté de façon à isoler les acides phénoliques à faible poids moléculaire (<200 Da). Les moisissures blanches, et en particulier les champignons Pycnoporus, constituent les principaux agents biotechnologiques pour produire des arômes industriels lorsqu'elles sont cultivées en présence de précurseurs [Lomascolo A., et al., Mycological Research 106 (2002) 1193-1203.]. L'acide férulique  et de l'acide vanillique sont efficaces en tant que précurseurs pour la production de vanilline. L’équipe BCF a démontré que le taux de biotransformation de la vanilline à partir d'acide férulique peut être contrôlé avec succès pour atteindre 500 mg / l, avec un rendement molaire de 47% [Stentelaire C., et al.,  Journal of Bioscience and Bioengineering 89 (2000) 223-230.].

 

            2.4 Originalité et/ou caractère innovant du projet

La valorisation de sous produits du bois lors de la fabrication de pâte chimique est à présent un schéma économique et technique classique. A notre connaissance, cela n’a pas été fait dans le domaine de la fabrication de pâte mécanique en raison de la complexité et de la diversité des produits contenus dans ces effluents. La non-utilisation d’agents chimiques pour fabriquer cette pâte apporte un avantage certain sur le plan qualitatif des molécules récupérées.

 

3. Partenariat et travaux antérieurs des proposants

 

Ce projet compte sur un partenariat entre le porteur de projet NORSKE SKOG (Papetier) et trois laboratoires publics de recherche : l’équipe RePSeM,  de l’Institut Pluridisciplinaire Hubert Curien (UMR7178 – Université de Strasbourg), L’UMR 1163 de Biotechnologie des champignons Filamenteux (INRA/Universités de Provence et de la Méditerranée) et le laboratoire d’étude et de recherche sur le matériau Bois (LERMAB, EA4370  de l’Université de Nancy). Le RePSeM travaille en collaboration avec l’industriel NORSKE SKOG sur la filtration tangentielle des effluents issus du procédé TMP. Les premiers résultats ont permis de mettre en évidence que des membranes en polyethersulfone avec un seuil de coupure de 1000 kDa permettent une rétention de 60 % de l’acide vanillique. Le matériaux membranaire influence de façon significative l'encrassement des membranes par des phénomènes d’adsorption.  Le LERMAB et NORSKE SKOG ont également travaillé conjointement sur la formation des matières « collantes » dans les effluents TMP (DGE du contrat - Pôle Fibres Naturelles Grand-n ° Ouest 2006-4366-06A-162, 2007-2010). Ce projet donnera lieu à une thèse en cotutelle entre le RePSeM et le LERMAB.

Le travail conjoint de divers laboratoires impliquant l’équipe BCF a permis de mettre en place un processus complet pour produire de la vanilline naturelle, bon marché à partir de sous-produits agro-industriels européens riche en acide férulique, comme la pulpe de betterave à sucre et les sons de maïs (contrat CE FAIR CT 96-1099). Cette collaboration est née parce que l’équipe BCF  recherche de nouvelles ressources en acides vanillique et férulique et souhaite déterminer la voie de transformation fongique de l’acide vanillique et/ou férulique en vanilline.

 

4. Programme scientifique

 

Le déroulement de ce projet se fera sur trois ans selon les étapes suivantes :

 

Tâches

Partenaires

Période (M = mois)

Tâche 1: Coordination du projet

NORSKE SKOG

De M 1 à M 36

Tâche 2 : Quantification de la ressource disponible

NORSKE SKOG

RePSeM  LERMAB.

De M 1 à M 12

Tâche 3 : Isolation des acides phénoliques par procédés membranaires

RePSeM  LERMAB.

De M6 à M36

Tâche 4 : Bioconversion fongique des acides phénoliques en vanilline

BCF et RePSeM et LERMAB

De M18 à M24

 

5. Indicateurs à renseigner

 

            5.1 Indicateurs techniques et environnementaux

Les compétences du RePSeM dans le domaine de l’Analyse du Cycle de Vie seront utilisées de façon à réaliser un bilan quantifié des flux de matière et d’énergie entrant et sortant. A titre indicatif, la consommation énergétique de l’ultrafiltration et de la nanofiltration qui seraient utilisées dans ce projet est de l’ordre de 7 kWh.m-3 de perméat ce qui les rend particulièrement attractives pour des opérations de séparation et de concentration par opposition à l’évaporation sous vide (100 kWh.m-3).

Selon nos estimations, un rendement global de 40 % d’extraction et de bioconversion (qui tient compte des premiers résultats expérimentaux) permettrait de produire 10 tonnes de vanilline par an.

 

            5.2 Indicateurs technico-économiques

Le prix de vente de la vanille de synthèse  (à partir du benzène) a un cout de l’ordre de 15 Euros / Kg. Celle de la vanille produit par Rhodia (RhovanilÒ) étiquetée « naturel » est de l’ordre de 700 Euros/kg et enfin la valeur de 4000 Euros/kg peut être approximativement donnée pour le prix de vente de la vanille issue de la gousse. L’objectif serait de cibler un prix de vente à 300 Euros/Kg pour ce produit qui aurait le label « vert » et générant un revenu annuel de 3 Millions d’Euros. Enfin, les acides vanillique et férulique ne constituent certainement qu’une fraction de la ressource disponible de ces effluents.

 

6. Publications du demandeur et des partenaires dans le domaine

 

Cael, C., Desharnais, L., Dumarçay, S., Stébé, M.-J., Delagoutte, T., Klem, A., Gérardin, P.  Prediction of breaks caused by lipophilic extractives using on-line turbidity measurement, Nordic Pulp and Paper Research Journal 27, 5, (2012) 910-914

Singh S.K., Kraemer M., Trébouet D. Studies on treatment of a Thermo-Mechanical Process effluent from paper industry using Ultrafiltration for water reuse, Desalination and Water Treatment, 49 (2012) 208 – 217

 

7. Valorisation des résultats

 

Les partenaires examineront ensemble la planification des publications et communications pour les résultats générés par le projet. La publication des résultats sera soumise à l'approbation de tous les partenaires.

Les résultats permettront de concevoir l’implantation d’un dispositif à l'échelle pilote associant les opérations de concentration et de bioconversion au sein du site industriel pour la production de vanilline ou/et de molécules plateformes biosourcées